Retrospective et perspectives de la montre de collection en 2024
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L’idée de cet article est née progressivement en essayant d’expliquer à nos clients notre perception de l’évolution du marché depuis 2022, qui n’a pas été qu’une ligne droite, et qui a suscité beaucoup d’émois parmi les aficionados du monde de l’horlogerie. Par le mot marché, afin d’être précis, nous entendons celui de la montre d’occasion et de collection, à distinguer du marché du neuf.
Nous ne prétendons pas pouvoir rationaliser tous les éléments depuis 2022, ni tous les synthétiser, on peut en revanche dégager quelques tendances, fournir nos explications, et proposer notre vision pour les mois à venir. Nous espérons que cet article pourra vous éclairer et restons à l’écoute de vos commentaires dans un esprit de partage et d’échange.
Cet article entend donc couvrir 3 périodes distinctes
- Une année 2022 euphorique
- Une année 2023 frileuse
- Une année 2024 qui pourrait donner de la visibilité à d’autres marques
Pour avoir abordé ce sujet avec nombre d’entre vous en privé, notre posture n’est pas de vous fournir uniquement une vision froide et analytique du marché de la montre parce que nous n’ignorons pas nous adresser, pour la plupart d’entre vous, à des passionnés avant tout. Et vous l’aurez compris, nous sommes également des passionnés !
En revanche, le marché de la montre est un marché comme un autre, particulièrement onéreux, et il nous semble important de l’appréhender avec beaucoup de lucidité. Nous ne désavouerons pas nos convictions, la montre d’occasion et de collection est un investissement, s’il est dangereux d’occulter la notion d’investissement (raisonné), il l’est d’autant plus de ne pas intégrer pleinement dans ses raisonnements la notion de plaisir ! En d’autres termes, notre recommandation est de vous faire plaisir les yeux grand ouverts sur les réalités d’un marché qui tend à devenir de plus en plus pointu.
Pour revenir à notre sujet rétrospective, si nous remontons encore un peu plus loin dans le temps, 2017 par exemple, on ne peut que se remémorer deux tendances très fortes, d’une part une progression constante et soutenue des prix de 2017 à 2022, et d’autre part un recentrage du marché autour du triptyque Rolex – Audemars Piguet et Patek. Nous avions consacré quelques articles à ce sujet (sur l’explosion des prix des Nautilus, sur les Daytona Vintage), et avions déploré que quelques marques particulièrement méritantes et chargées d’une très belle histoire soient aussi peu considérées.
Nous avons donc abordé 2022, point de départ de notre rétrospective, avec un marché dynamique et très concentré…
L’année 2022 aura démarré sur les chapeaux de roue, avec les prix du second marché qui se sont envolés, surtout pour les marques Rolex, Audemars Piguet et Patek, pour le « presque neuf », l’occasion, et par effet d’aspiration, pour la collection.
Parmi les anecdotes utiles pour la compréhension globale du phénomène, on pourra évoquer le prix d’une Patek Philippe Nautilus 5712 se monnayant en boutique pour les plus chanceux à pas loin de 50 000 euros qui s’est revendue en mars 2022 jusqu’à 150 000 euros, et parfois plus…et ce indifféremment au regard de l’année de la montre, qu’elle soit récente, ou de 2007 ! Dans ce cas précis, il serait plus judicieux de parler de spéculation plutôt que d’investissement d’ailleurs !
Il est bien délicat de pouvoir estimer le nombre de pièces produites de 5712 depuis 2006/2007 (premières années de production du modèle), mais on pourrait s’aventurer à une estimation autour de 1 500 pièces par an, soit potentiellement plus de 20 000 pièces en circulation. S’il s’agit d’une production relativement confidentielle (sans nul doute comparativement à la production de Rolex pour une Daytona 116500 par exemple), on est loin de la production globale de F.P. Journe annuelle, qui ne dépasse pas 1 000 pièces tous modèles confondus !
Il semble donc tout à fait inexplicable que les prix de certains modèles tels qu’une 5712 se soient envolés à ce point, sauf à considérer une demande soudainement extrêmement soutenue (et donc d’un nouveau genre mue par de nouvelles aspirations et de nouveaux besoins).
Nautilus 3700 |
Nautilus 3712 |
Nautilus 5726 |
Nautilus 5990 |
On aura pu lire quelques explications, souvent convergentes, qui mentionnent un afflux de liquidités sur le marché, notamment avec les crypto-monnaies, et une volonté pour une nouvelle catégorie de clients de « convertir » de l’intangible et du virtuel en « actif tangibles », à savoir des montres « normées », plus faciles à appréhender que des montres de collection (ou montres vintage) qui restent uniques et donc beaucoup moins faciles (plus techniques) à négocier. Il se serait donc agi d’un transfert de liquidités « virtuelles » vers des actifs tangibles et convertibles en liquidités plus conventionnelles… Cette explication, à la fois plausible et que nous avons pu partiellement vérifier s’est ajoutée à un mouvement d’euphorie plus généralisé… Les plus-values (latentes !) ont tôt fait d’attirer toutes formes d’investisseurs plus ou moins férus d’horlogerie.
Au risque de choquer certains d’entre vous, une Patek Philippe Nautilus 5712 reste une Nautilus moderne, une fois l’état général appréhendé, rien n’est plus comparable à une 5712 qu’une autre 5712… En revanche, une montre de collection des années 1970 reste unique, ce qui peut expliquer que nous n’avons pas constaté de hausse aussi significative, toutes proportions gardées, sur le marché de la collection.
Il n’en reste pas moins que la première partie de 2022 aura été marquée par une hausse très conséquente du volume des montres vendues, et une hausse très significative du prix des modernes, des néo-vintage, et dans une moindre mesure, des montres de collection, à l’exception des Audemars Piguet qui ont bénéficié d’un facteur très appréciable, le cinquantième anniversaire de la Royal Oak en 2022.
On peut d’ailleurs assez facilement argumenter que la marque elle-même aura été particulièrement instrumentale dans la réalisation de la hausse des prix des Royal Oak, que cela soit les modernes, ou les vintage…Notamment, 2022 aura été marquée par une hausse très spectaculaire de toutes les Royal Oak historiques, que cela soient les 5402 serie A, B, C ou D, les jubillee, 15002, ou encore les quantièmes perpétuels, références 5554ST, 26554ST ou 26554BA, sans oublier les cadrans rares précieux (sertis, « Klein », en materiaux uniques….)
Les maisons de vente aux enchères, emmenées par le flamboyant Aurel Bacs de la maison Philipps, ou encore Christie’s auront notamment particulièrement contribué à entretenir la hausse des prix et celle notamment des Audemars Piguet pour la première partie de 2022. Nous avions couvert les ventes aux enchères de Genève en mai 2022
Un autre phénomène constaté en 2022 est la « renaissance » de la marque Vacheron Constantin qui réédite en Mars sa mythique 222, lancée en 1977 pour le 222ème anniversaire de la Maison. La gamme des Overseas, remise au gout du jour, va suivre l’embellie des prix connue par le trio de tête… peut être aussi parce que ces marques devenaient de plus en plus inaccessibles. Nous nous sommes félicités pour notre part de cet élargissement de l’offre et du retour sur le devant de la scène d’une marque mythique qui a marqué l’histoire de l’horlogerie !
La deuxième partie de 2022 aura été beaucoup plus hésitante, avec un recul très prononcé du volume… La surenchère a rapidement disparu, et les attentes des clients vendeurs sont restées pendant plusieurs mois beaucoup trop élevées pour la réalité de la demande.
Un phénomène très marquant s’est fait constater sur la plateforme Chrono24, ou les produits les plus normés (Nautilus 5711, 5712, 5980, 5990…, Royal Oak 15450, 15202, 26331, Rolex 116500, 116508, 116509, 126710, 116610…) sont apparus de plus en plus nombreux à la commercialisation avec une disparité des prix extrêmement importante, entre les demandes optimistes, celles plus réalistes, et celles justifiées par des besoins de trésorerie urgents. Il va de soi que dans un contexte de liquidités de plus en plus restreintes, seuls les besoins en trésorerie urgents ont été satisfaits, entrainants des moins-values parfois conséquentes, notamment pour ceux qui étaient rentrés sur le marché cette même année.
Nous ne rentrerons pas dans la polémique de l’efficacité des outils fournis par Chrono24. Nous ferons juste remarquer que la disparité de l’offre sur Chrono24 en 2022 pour une même référence aura fait que les « moyennes » de prix fournies par la plateforme ne reflétaient plus en rien la réalité « transactionnelle » du marché. En d’autres termes, le « vrai prix » de référence sur les plate-forme était bien souvent, fin 2022 en tout cas, le prix le moins élevé !
L’année 2023 est une année qui a été marquée par beaucoup d’attentes concernant par exemple les 60 ans de la Daytona (1963-2023), et les répercussions que cela pourrait avoir sur le marché, les incertitudes et les questions autour du départ du très charismatique Francois-Henry Bennhamias, PDG flamboyant de la marque Audemars Piguet, et d’une manière générale, par les questions autour des directions de marché suite à l’euphorie de l’année précédente.
La première partie de 2023 a accusé une nette décélération du volume des ventes, suivi par un net fléchissement des prix, enregistré par les marchands, mais aussi par les maisons de ventes, qui ont commencé à enregistrer des résultats mitigés…Si les maisons les plus prestigieuses arrivent toujours à afficher des « scores » pour quelques pièces rarissimes, la tendance devient de plus en plus nette, et les acheteurs de plus en plus timorés.
Ce dernier commentaire peut être relativisé par un facteur atténuant, celui de la relative progression en 2023 des montres vintage de qualité, qui deviennent, tout naturellement, une valeur refuge…Ce phénomène est bien naturel, et les collectionneurs avisés de se remémorer que les productions des années 60, 70 et 80 étaient des productions beaucoup plus limitées, et si l’on considère l’attrition naturelle des montres de collection avec le temps, l’analyse est vite faite. Il y a aujourd’hui théoriquement en circulation à peu près autant de Rolex 6263 et 6265 que de Nautilus 5712, en revanche, si l’on met de côté les montres vintage détériorées et qui ne sont pas au standard, la rareté des montres vintage devient de plus en évidente et conforte la notion de valeur refuge.
Les 60 ans de la Daytona n’auront pas généré les résultats escomptés, notamment avec les maisons de vente aux enchères qui n’ont pas su réaliser des évènements commémoratifs aussi marquants que pour la Royal Oak l’année précédente. En revanche, Rolex aura surpris le marché avec le lancement d’un modèle mythique, produit pour une seule année, la Daytona 126529LN 100 ans des 24 Heures du Mans avec son cadran réminiscent des cadrans exotiques aka « Paul Newman ».
La seconde partie de 2023 aura entamé une véritable phase de rationalisation, avec un regain des volumes au détriment du niveau des prix qui aura baissé. Une analyse assez triviale du niveau des prix pour les montres modernes indique que pour la deuxième partie de 2023, les niveaux de prix ont retrouvé ceux de fin 2020 et début 2021, gommant ainsi la croissance soutenue de 2021 et celle frénétique de 2022 ! En d’autres termes, il aura fallu 9 mois environ au marché (dernier trimestre 2022 et deux premiers trimestres 2023) pour admettre la baisse des prix et revenir à des niveaux de volume plus normaux. Avec un peu de recul, les Nautilus de la marque Patek ne se négocient désormais plus 3 à 4 fois le prix boutique, mais plutôt 1,5 à 2 fois le prix boutique ! Cela ne semble pas totalement déraisonnable, bien au contraire, on pourrait argumenter que le marché a retrouvé sa raison !
Côté Audemars Piguet, François-Henry Bennahmias nous aura gratifié d’un nombre impressionnant de lancement de modèles toujours plus exceptionnels et exclusifs, entre les Royal Oak Grande Complications (quantièmes perpétuels squelettes en alliage précieux, en céramique, répétitions minute, tourbillon), les Royal Oak séries spéciales et limitées (Domaine de Murtoli, Alyx,…). Si ces modèles s’avèrent totalement exceptionnels, il reste à démontrer s’il existe une profondeur de clientèle suffisante pour absorber ce nombre assez impressionnant de séries spéciales et limitées… Affaire à suivre.
En ce début de mois de Février, nous ne pouvons que formuler des hypothèses sur les directions du marché. Ce que nous constatons, étant nous-même partie intégrante des rouages du marché, c’est que les niveaux de prix des montres ont été intégrés par la plupart des acteurs et protagonistes, de telle sorte à ce que l’on commence à retrouver une forme de liquidité, à quelques exceptions près, notamment en ce qui concerne les pièces atypiques qui ont du mal à se « figer une cote ».
Pour ce qui est de la plus grande majorité du marché, les transactions se suivent et se « normalisent » (c’est dire qu’il y a une véritable cohérence dans les prix pratiqués pour une même référence). On note toujours un marché du vintage dynamique, avec un fort penchant pour des pièces extrêmement qualitatives, ce qui est symptomatique pour ce genre de période. En toute transparence, on constate également dans le marché du vintage une forme de défiance pour les pièces les plus pointues (les collectionneurs se demandant probablement ou les prix sont censés atterrir) alors que les pièces les plus emblématiques enregistrent des scores soutenus lorsque la qualité est au rendez-vous.
Nous nous félicitons pour notre part de l’élargissement du marché à des marques qui étaient en recul ces dernières années, notamment Piaget ou encore Cartier qui refont surface tant au niveau du vintage, du neo-vintage ou même du moderne avec de nouveaux modèles à la fois abordables et chargés d’histoire.
Le marché se rationalise notamment sur les pièces offrant davantage de valeur intrinsèque (en métal précieux ou avec de belles complications par exemple), en opposition aux montres de sport en acier qui ont défrayé la chronique ces dernières années et dont les sphères de prix étaient difficiles à justifier. Nous sommes désormais dans un marché d’acheteurs plein d’opportunités avec des échanges intelligents à considérer.
Nous constatons une progression des prix des Rolex Day-Date dont les exemplaires avec des cadrans rares (ex : en Pierre) se vendent très rapidement. Les montres habillées comme les calendriers perpétuels ou encore les world time de la manufacture Patek Philippe constituent un investissement raisonné et attirent de plus en plus les convoitises (longtemps attendues et méritées) de la part des collectionneurs aujourd’hui. Les manufacture à la production artisanale et confidentielle comme F.P. Journe ou MB&F confortent leur position avec un marché toujours dynamique pour les montres rares.
2024 s’annonce donc un bon cru, celui d’un retour à la normale et au pragmatisme. Nous nous réjouissons à l’idée de pouvoir vous accompagner tout au long de cette année pour vous aider à réaliser vos projets horlogers, que cela soit pour vendre, acheter, ou échanger.
Nous sommes à votre disposition pour échanger nos points de vue et apporter les réponses aux questions que vous pourriez avoir.
Par Cyril, co-fondateur de 41Watch (@Cyril_41Watch)
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